Alexia Pittier : "Savourer mais se remettre vite au travail"
- juliette3249
- 3 oct.
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Le 7 septembre dernier, à Ermelo, aux Pays-Bas, Alexia Pittier et Sultan 768, son hongre hanovrien de seulement 10 ans, ont écrit une des plus belles pages de l’histoire du para-dressage français. Au terme de leur programme Libre, la Française de bientôt 33 ans, déjà présente aux Jeux paralympiques de Paris 2024 (5e par équipe, 7e du Grand Prix Libre) est sortie de piste avec une note finale de 78,055% (son record), synonyme de médaille d’or et de titre européen en Grade IV. Une Marseillaise, sa première à un tel niveau de compétition, et une entrée remarquée dans les palmarès internationaux.
Quelques semaines plus tard, Alexia revient sur cet instant avant de se projeter sur les prochaines échéances, avec bien évidemment les Jeux paralympiques de Los Angeles 2028 déjà à l’esprit.
Alexia, êtes-vous toujours bien installée sur votre nuage après le titre de championne d’Europe ?
Je suis toujours un peu sur ce nuage effectivement mais il faut en redescendre. On en a un peu profité, il faut savourer mais se remettre vite au travail pour préparer la suite.
Comment avez-vous vécu ces instants ?
Avant la compétition, le but était surtout de continuer à travailler dans la même dynamique que celle qui nous avait guidé toute l’année. Je suis toujours dans la logique de construction et de procéder étape après étape. On se concentre au jour le jour, échéance après échéance.
Nous avions préparé cette échéance pour être performants bien sûr, mais l’objectif était d’abord de donner le meilleur de nous-mêmes. Quand je suis passée, il ne restait plus qu’un dernier couple derrière nous, l’argent était donc assuré. Quand on a réalisé que nous avions gagné, ce fut très fort, une vraie émotion d’équipe. Nous étions tous ensemble avec mon staff, mon groom Jordan (Brenier), qui est aussi mon compagnon et qui me suis au quotidien et dans les compétitions internationales depuis presque trois ans.
Mon entraîneur Pedro Mendes qui me suit depuis quatre ans était aussi présent, ainsi que ma mère et mon frère qui sont avec moi les propriétaires du cheval. Il y avait aussi le staff de l’équipe de France qui a effectué un travail incroyable. Je retiens surtout que ce fut une joie partagée et un travail d’équipe. Ce titre a donné de la visibilité au para-dressage. Il a permis de parler un peu plus de notre discipline.
Les Jeux paralympiques de 2024 ont-ils eu un impact sur cet or européen ?
J’avais vécu Paris pleinement. Ce ne fut que du bonheur. Nous étions un jeune couple. Mon cheval n’avait que neuf ans et pour moi, c’était ma première échéance. J’ai commencé par le plus gros. Ce fut très enrichissant. Ça nous a fait grandir. Ces Jeux paralympiques furent un partage avec les bénévoles, les spectateurs. J’ai eu plein de messages de personnes qui ont ma maladie (maladie de Charcot-Marie-Tooth, maladie génétique évolutive caractérisée par une dégénérescence des muscles des jambes et des bras). C’est ce qui m’a donné encore plus envie de vivre de tels moments et de continuer à travailler.
Comment définissez-vous ce programme Libre qui vous a offert l’or ?
C’est une reprise que j’affectionne beaucoup. La freestyle est quelque chose de très personnel. Cette musique raconte notre histoire avec Sultan, notre relation unique. Ce sont des musiques qui parlent d’amour et d’amitié. Il y a par exemple des extraits de Formidable de Charles Aznavour. Nous avions préparé cette reprise pour les Jeux paralympiques de Paris. À Ermelo, sur la piste, avec mon cheval, c’était spécial. J’ai vraiment eu la sensation d’interpréter quelque chose avec lui. Il m’a donné des sensations dingues. En voyant la note, je me suis dit que nous avions réalisé quelque chose de grand. Nous avions fait le job.
Quelle est aujourd’hui votre organisation ?
Avant les Jeux 2024, j’étais partie à Champcueil. Depuis le 1er janvier, je loue une partie de la structure du haras de Bréval, dans les Yvelines. J’étais déjà dans les chevaux puisque j’ai mon BPJEPS et DEJEPS. Désormais, l’objectif est de me professionnaliser au maximum et d’être à 100% dans le sport de haut niveau. J’ai quelques chevaux de commerce et je donne des cours, principalement sous la forme de stages. Cela permet de dégager du temps pour la préparation physique et la préparation mentale, ou encore pour le travail avec mes jeunes chevaux que je prépare pour la suite. Nous cherchons également des partenaires pour construire notre projet et pouvoir nous consacrer pleinement aux Jeux de Los Angeles 2028, comme nous l’avions fait pour Paris, mais cette fois en commençant plus tôt. Depuis Paris, un an se sont déjà écoulés. Il ne reste plus que trois ans et ça va passer très vite.
Avec une grosse concurrence en Grade IV…
C’est essentiel d’avoir cette concurrence. Il y a Vladimir (Vinchon) bien sûr mais aussi Hortense (Josserand) avec qui je partage la même structure à Bréval. Cette richesse permet de tout dynamiser. Nous avons la chance d’être ensemble, ça nous soude et ça nous donne de la force. On essaie par exemple de trouver des partenaires à plusieurs. Nous sommes une équipe. La concurrence, ce sont les autres nations. Plus on est, plus on donne de la visibilité et c’est important pour voir de plus en plus de gens venir découvrir la discipline et le circuit.
Parlez-nous de Sultan…
Je l’ai depuis ses 6 ans. J’ai une confiance en lui que je ne peux pas expliquer. Il ne fait que m’épater. Après les Championnats d’Europe, j’ai dit que c’était le meilleur cheval du monde. C’est ce que je pense, même si, on est d’accord, je ne suis pas très objective. Sincèrement, je n’ai jamais rencontré un cheval comme ça. Il a toujours répondu présent, avec envie. Il est toujours content de faire ce qu’il fait, que ce soit au quotidien ou en concours. Il est bluffant et en plus il est d’une incroyable gentillesse. Il est fabuleux. Son point fort, ce sont sa sensibilité et son énergie. Il a un physique incroyable et une locomotion spectaculaire. Sa sensibilité peut aussi être une difficulté. Mais au fil du temps, plus il voit de concours, plus il est à l’aise et serein. Son trot et son galop sont fabuleux. Quand il est un peu chaud, au pas, ça peut être difficile à gérer mais quand il est bien, ses trois allures sont incroyables. C’est encourageant pour la suite.
Quelles sont justement les prochaines échéances ?
Après les Championnats de France à Saint-Lô, on va définir la stratégie de la prochaine saison sportive avec les différents internationaux. Il y aura bien sûr les Championnats du monde à Aix-la-Chapelle l’année prochaine où il faudra d’abord être sélectionné. Si c’est le cas, l’objectif sera d’aller chercher la qualification par équipe pour les Jeux paralympiques de Los Angeles. Cela permettrait d’être tout de suite tranquille pour préparer la suite. L’équipe sera pour cela très importante. Tout seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin. Tout le monde a quelque chose à apporter.
Crédit photo : ©FFE/PSV




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