À l’issue des Jeux paralympiques où elle occupait le statut de réserviste, l’Ardennaise Céline Gerny (42 ans) a décidé de mettre un terme à sa carrière sportive au haut niveau. Elle nous explique cette décision et revient sur ses années au sein de l’équipe de France de para-dressage dont elle était une des figures depuis 2009.
Céline, pourquoi cette décision ?
Après les Jeux paralympiques de Rio (en 2016), ça m’était déjà passé par la tête, mais il y avait la perspective des Jeux à Paris, et j’avais la proposition de l’IFCE. Aujourd’hui, je me fragilise au niveau de mes membres inférieurs en étant victime de décalcification comme toutes les personnes paraplégiques. J’ai la fracture facile comme on l’a vu l’année dernière avec ma fracture du fémur. Je sais que la moindre chute peut amener une fracture et des complications de consolidation. Je veux limiter ce risque d’autant plus que je vieillis. Les chevaux ont aussi plus de locomotion et on s’expose encore davantage.
Comment vis-tu cette décision ?
Je la vis bien même si depuis l’âge de 11 ans, je fais de la compétition. J’ai eu la chance d’être accompagnée par une préparatrice mentale Anne Le Coniat au sein de l’IFCE. Depuis cinq ans, on a parlé de cette décision et travaillé sur la perspective de ce changement de vie. J’ai une maison et j’ai mes chevaux en retraite (Rhapsodie IFCE et Ilico) avec moi. Je ne les montre pas mais ils sont avec moi tous les jours. J’ai passé mon diplôme d’entraineur et je vais accompagner des cavaliers sur l’optimisation de leurs performances en compétition. Des valides pour le moment, mais je vais me rapprocher de mon CRE Grand Est car je voudrais œuvrer pour ma discipline. J’ai envie de partager mon expérience et de créer une vraie dynamique de détection et d’accompagnement des cavaliers en para-dressage.
Quel regard as-tu sur ta carrière ?
Je suis très fière de ma carrière. Le haut niveau, ce sont des hauts et des bas, comme une sorte de vague. La force de l’athlète, ce n’est pas de monter en haut de la vague. C’est d’avoir la force et l’exigence sur soi pour remonter quand tu es en bas. Dans ma carrière, je l’ai fait plusieurs fois et c’est de ça dont je suis fière : être au fond du trou mais trouver la force et l’énergie pour défendre mon projet et me resituer au meilleur niveau. C’était encore mon défi cette année. Avec ma fracture du fémur l’an dernier puis le départ à la retraite de Rhapsodie IFCE en octobre, c’était très mal engagé pour imaginer une sélection pour les Jeux. Ok, j’étais réserviste, décision du staff que je comprends très bien car ma situation était moins solide que celle des cavaliers choisis, mais une nouvelle fois, j’avais réussi à revenir.
S’il n’y avait qu’un seul moment à retenir de cette carrière avec trois Jeux Paralympiques comme titulaire (2008, 2016, 2021), deux championnats du monde (2010, 2022) ou encore quatre Championnats d’Europe (2009, 2011, 2015, 2017) ?
Ma médaille de bronze en 2009 aux Championnats d’Europe à Kristiansand, en Norvège. C’était avec mon cheval, Ilico du Clotobie. Je l’avais acheté avant mon accident pour faire du complet. Tout le monde me disait qu’il était trop chaud et que jamais il ne pourrait s’adapter à une pratique de para-dressage. Un ami me l’a travaillé pendant sept ans et au bout de ces sept années il m’a dit ‘’tu peux le reprendre, il est prêt’’. Ce cheval m’a énormément donné. J’ai regalopé avec lui pour la première fois. On a eu cette médaille européenne et c’est un compagnon de vie exceptionnel pour moi. Le haut niveau m’a aidé à surmonter mon handicap et à lutter contre cette idée que handicap égal incapacité. Le fait de représenter la France, cela a effacé cette idée. Ensuite j’ai pu diffuser cette image.
À quoi va ressembler la suite de ta vie ?
J’ai toujours mon poste de titulaire de professeur des écoles. Je vais le reprendre. Mais pour le moment, je travaille sur la rédaction d’un livre qui racontera mon parcours mais pas que… Une fois encore l’IFCE va m’accompagner dans ce rêve. Je vais pourvoir revivre tous ces moments, d’abord avec moi-même, et ensuite les partager. Quand tu es dedans, tu as la tête dans le guidon. Tu avances en ne te préoccupant que du moment présent et du futur. On oublie parfois toutes les étapes franchies, tout ce qu’on a surmonté, d’où on vient. Ce livre va me permettre de voir toute la beauté de mon parcours. Et puis je vais pouvoir profiter de ma famille. Ma carrière leur a imposé beaucoup de contraintes. Ils m’ont suivi quatre ans à Saumur. Mon projet sportif a occupé toute ma vie. On a mangé Paris 2024, on a dormi Paris 2024, on a réfléchi Paris 2024... Maintenant, je veux vivre un peu plus pour ma famille.
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